La divagation de votre chien de chasse

«La liberté n’a pas de prix», entend-t-on souvent. Faux ! Si au mépris de toutes considérations légales, votre chien s’octroie la liberté de vagabonder à sa guise, le propriétaire que vous êtes n’est quant à lui censé ignorer la loi. Or, il peut vous en coûter cher…

Il arrive fréquemment que l’on croise lors de nos sorties champêtres un chien gambadant seul, ou accompagné de congénères, sans pour autant déceler la présence d’un quelconque maître ou conducteur. En milieu rural cela ne surprend guère, et il est bien rare que quiconque en fasse cas. Sachez toutefois, que ces chiens sont, d’un point de vue légal, considérés en état de divagation. On imagine aisément les conséquences que peuvent avoir de tels comportements sur la faune sauvage. Dans un but de prévention des espèces le législateur a ainsi jugé opportun d’interdire la divagation en campagne dès 1955 (voir encadré). Lorsqu’on retrouve le propriétaire d’un chien fautif, celui-ci évoque généralement mille et une excuses pour se déresponsabiliser : « Il a échappé à ma vigilance, mais c’est la première fois que cela se produit », « Mon jardin n’est pas clôturé », ou encore « Il faut bien qu’il se promène, et de toute façon, il ne fait de mal à personne ». Est-il utile de préciser qu’un chien, aussi tranquille soit-il, puisse avoir d’imprévisibles réactions dans un contexte différent et favorisant ? Pour ces maîtres, quelque peu laxistes, rappelons que les risques engendrés par un chien en divagation sont nombreux : destruction d’oiseaux et autres gibiers, certes, mais aussi accident de la circulation, morsure d’un passant, chute d’un cycliste, ou encore attaque d’autres espèces domestiques (poules, moutons, etc…) pour ne citer que ceux-ci. Le propriétaire aura beau trouver moult raisons pour excuser le comportement de son animal, il n’en reste pas moins civilement responsable des actes de celui-ci, et s’expose à différents type d’amendes (voir encadré). Le contrevenant peut en outre être poursuivi pour des infractions connexes en fonction des dommages occasionnés par son animal, et notamment pour coups et blessures involontaires, voire homicide involontaire. Dans ces cas extrêmes les peines pourront alors revêtir un caractère correctionnel. Face à un tel contexte, le terme de divagation devait être défini de façon précise afin de pouvoir déterminer sans équivoque la responsabilité de chacune des parties. L’article L.211-23
du nouveau Code Rural précise ainsi : « Est considéré comme en état de divagation tout chien qui, en dehors d’une action de chasse ou de la garde ou de la protection du troupeau, n’est plus sous la surveillance effective de son maître, se trouve hors de portée de voix de celui-ci ou de tout instrument sonore permettant son rappel, ou qui est éloigné de son propriétaire ou de la personne qui en est responsable d’une distance dépassant cent mètres. Tout chien abandonné, livré à son seul instinct, est en état de divagation, sauf s’il participait à une action de chasse et qu’il est démontré que son propriétaire ne s’est pas abstenu de tout entreprendre pour le retrouver et le récupérer, y compris après la fin de l’action de chasse ».

Force est de constater que le principe d’égalité, devant la loi, ne s’applique pas à la gent canine. Le législateur semble en effet avoir fait preuve d’un peu plus de tolérance quant à l’utilisation de nos chiens de chasse. Penser que nous pouvons laisser évoluer ceux-ci à leur guise, sans aucune contrainte, serait néanmoins préjudiciable. Si nul n’ignore que la chasse sur autrui est strictement prohibée, rappelons qu’elle est sévèrement réprimandée par l’article R428-1 du Code de l’Environnement (voir encadré). Or, laisser son ou ses chiens franchir les limites du territoire peut, le cas échéant, être assimilé à chasse sur autrui. Les utilisateurs de la nature que nous sommes devront donc tout mettre en œuvre pour éviter de tels débordements. Côté chiens d’arrêt, outre un dressage rigoureux, nous ne saurions trop vous préconiser que de disposer d’un sifflet afin de rappeler votre auxiliaire. Les sujets les plus récalcitrants, ayant une fâcheuse tendance à sortir de la main, pourront de surcroît être munis d’un collier de dressage. Le conducteur de chiens courants devra quant à lui être équipé d’un fouet pour tenter de stopper ses limiers et d’une pibole afin de pouvoir les rappeler. Car s’abstenir de rappeler les chiens passés sur un terrain voisin constitue, à lui seul, un acte de chasse, et vous expose à une amende de 5ème classe. Toutefois, selon le Code de l’Environnement, le passage d’une meute sur l’héritage d’autrui peut ne pas être considéré comme une infraction si le gibier est lancé sur la propriété du maître, et que ce dernier puisse prouver qu’il a tout mis en œuvre pour stopper la poursuite. Notons enfin que de plus en plus de maîtres d’équipage dotent
désormais leurs disciples de colliers émetteurs permettant de récupérer les « fugueurs » au plus vite. D’une portée plus réduite, mais d’un coup moindre, la clochette pourra également vous aider à localiser votre chien. Loin d’être superflue, l’utilisation de ces instruments sonores ou électriques sera donc déjà une première preuve de votre bonne foi et vous évitera bien des désagréments avec le voisinage. Si malgré toutes ces précautions, vous devez tout de même aller chercher votre compagnon hors des limites de votre territoire, avertissez dans la mesure du possible le détenteur du droit de chasse. Confiez dans ce cas votre arme déchargée à l’un de vos équipiers. Il n’est en effet jamais agréable de croiser un inconnu armé chez soi…Cette réflexion concernant la poursuite involontaire d’un animal chez autrui, nous conduit inéluctablement à aborder la question du droit de suite sur gibier blessé. Nombre de chasseurs pensent qu’ils peuvent, en toute impunité, pousser à l’aide de leurs chiens un animal préalablement touché sur leur propre territoire. Renseignement pris auprès des agents de l’O.N.C.F.S. il n’en est pas tout à fait ainsi. Le droit de suite ne peut en effet être exercé que si le gibier est mortellement blessé. Dans ce seul cas, le fait de poursuivre l’animal avec ses chiens dans le but de l’achever et/ou de le ramasser, n’est pas considéré comme un fait de chasse sur terrain d’autrui, et ne constitue donc pas une infraction. A contrario, rechercher à l’aide de chiens un animal simplement blessé, sans l’autorisation du propriétaire, est apprécié comme un acte de chasse engendrant une contravention. Exempt de ce consentement, il appartiendra au chasseur de prouver qu’il a bien mortellement blessé ou épuisé le gibier, faute de quoi il pourrait être condamnable. En cas de procès, l’appréciation du juge est souveraine en la matière, et la jurisprudence regorge de cas défavorables aux chasseurs. Même si la réaction de l’animal au moment du tir, ou encore la nature et la couleur des indices peuvent renseigner, l’appréciation d’une blessure n’est cependant pas toujours chose aisée. Dans le doute, nous ne saurions trop vous conseiller que d’arrêter vos limiers, de faire appel à un conducteur agréé de chien de sang, et de prévenir votre voisin de vos intentions. En matière de chasse, un excès de précautions ne nuit que rarement…

Malgré les mesures que vous aurez prises, il peut arriver que votre assistant cynégétique vous échappe ou tout simplement s’égare. Il est donc important qu’il soit clairement identifié par un collier gravé ou par un tube dit d’identité. Notre préférence va toutefois au premier, les petits étuis ayant une fâcheuse tendance à s’arracher ou se dévisser, tant soit peu que votre chien buissonne. Devront être apposés sur ces accessoires vos noms et numéro de téléphone. La personne trouvant votre chien pourra ainsi vous contacter directement, évitant un désagréable passage par la fourrière municipale. Sachez aussi que depuis 1999 la loi impose à tout propriétaire de chien que ce dernier soit identifié par un procédé agréé par le Ministère de l’Agriculture. Deux systèmes sont en vigueur en France : le tatouage et le transpondeur (puce électronique). L’identification est obligatoire non seulement pour tous les animaux de plus de 4 mois, mais aussi lors de l’acquisition d’un animal, que cette dernière soit à titre gratuit ou payant. Bien que le tatouage soit amené à disparaître, la double identification (tatouage et puce) nous semble pour l’heure être une sage solution, nombre de mairies n’étant pas encore équipées de scanner pour lire les transpondeurs. Conformément à l’article L211-24 du Code Rural, chaque commune doit désormais disposer d’une fourrière apte à l’accueil des chiens trouvés en état de divagation. Si votre chien est correctement identifié, il sera donc aisé aux agents des services techniques d’entrer en relation avec vous, afin que vous puissiez récupérer votre compagnon. Faute d’identification ou de réclamation, dans un délai franc de 8 jours ouvrés l’animal deviendra la propriété du gestionnaire de la fourrière. Ce dernier pourra légalement le vendre, le céder gracieusement à une association de protection des animaux ou encore le faire euthanasier. Face à telles dispositions, nous ne saurions que trop insister sur l’importance que revêt l’identification de nos auxiliaires.

Arrêté du 16 mars 1955 relatif à la divagation des chiens (JO 24/03/1955)
Article 1er
Pour prévenir la destruction des oiseaux et de toutes espèces de gibier et pour favoriser leur repeuplement, il est interdit de laisser divaguer les chiens dans les terres cultivées ou non, les prés, les vignes, les vergers, les bois, ainsi que dans les marais et sur le bord des cours d’eau, étangs et lacs. Dans les bois et forêts, il est interdit de promener des chiens non tenus en laisse en dehors des allées forestières pendant la période du 15 avril au 30 juin.
Article 2.
Tout contrevenant au présent arrêté sera passible des peines de l’article II de la loi du 3 mai 1844 (C. env., art. R. 228-5 (4°).

Le coût de la liberté
Article R228-5 du Code de l’Environnement
Seront punis de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe (1500 euros) ceux qui auront contrevenu aux arrêtés réglementaires :
4° Relatifs à l’emploi et à la divagation des chiens.
Article R428-1 du Code de l’Environnement
I. – Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe
(1500 euros) le fait de chasser :
1° Sur le terrain d’autrui sans le consentement du propriétaire ou du
détenteur du droit de chasse
Article R412-44 du Code de la Route
Tout animal isolé ou en groupe doit avoir un conducteur. Le fait de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 2e classe. (150 euros)
Article R622-2 du Code Pénal
Le fait, par le gardien d’un animal susceptible de présenter un danger pour les personnes, de laisser divaguer cet animal est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 2e classe. (150 euros)
Article L211-24 du Code Rural
Les animaux ne peuvent être restitués à leur propriétaire qu’après paiement des frais de fourrière. En cas de non-paiement, le propriétaire est passible d’une amende forfaitaire dont les modalités sont définies par décret.

Christophe AUBIN