Quel chasseur ou autre amoureux de Dame Nature n’a pas été, le printemps venu, confronté à ces discrets ennemis que sont les tiques ? Où, quand, comment attaquent-t-elles ? Mieux les connaître, pour mieux les combattre.

Parasite de la famille des acariens, les tiques sont souvent la hantise des hôtes des bois. Comme la plupart des acariens, ces répugnantes « bestioles » sont hématophages, c’est-à-dire qu’elles se nourrissent de sang. On recense parmi la planète plus de 870 espèces qui peuvent être regroupées en 3 genres selon leur habitat, leur comportement ou encore leur morphologie. Les ixodidés, ou tiques dures, qui comme leur surnom l’indique sont recouverts d’une carapace. Les argasidés, qui possèdent un tégument sans sclérification (tiques dites « molles »), et qui ont une nette prédilection pour les zones les plus chaudes du globe. Enfin, les nuttalliellidés qui appartiennent à une famille intermédiaire entre les deux précédentes. Les trois espèces (Ixodes ricnus, Dermacentor, Rhipicephalus) communes dans l’Hexagone et susceptibles de désagrément pour nos auxiliaires appartiennent quant à elles aux ixodidés. S’il on trouve trace de la présence de tiques tout au long de l’année, leurs principales saisons d’activité restent néanmoins le printemps et l’automne. L’hiver venu, lorsque les températures avoisinent les 0°, elles s’enfouissent dans le sol attendant patiemment les beaux jours pour reconquérir les hauteurs du sous-bois. Contrairement à des idées reçues, il est faux d’affirmer que les tiques se tiennent dans les arbres, et tombent de ceux-ci à une période donnée. Selon les espèces, les tiques vivent en effet dans des biotopes divers et variés. Certaines dites exophiles (Ixodes ricinus et Dermacentor) sont inféodées à des milieux forestiers ou péri-boisés. D’autres (Rhipicephalus), restent confinées dans les nids, les terriers ou les chenils et sont alors qualifiées d’endophiles. Les premières logent dans les buissons, broussailles, herbes hautes qui bordent jardins et forêts. Perchées sur une herbe ou une brindille, elles chassent à l’affût, attendant patiemment le passage de leur future victime (petits et grands mammifères). Les secondes, peu mobiles, vivent généralement près de leur hôte et l’agresse lorsque celui-ci est immobile. Elles se nourrissent ainsi sur des animaux tels que les micro-mammifères, les lapins, les hérissons ou encore les oiseaux qui participent alors à leur large dispersion. Notons, que la tique n’a pas de tête à proprement dit, et donc a fortiori pas d’yeux. Grâce aux récepteurs sensoriels qu’elle possède sur ses antérieures, elle perçoit la chaleur et les odeurs émises par sa proie, ainsi que les vibrations du sol lors du déplacement de celle-ci. Une fois agrippée à la robe de sa victime, grâce à de fines griffes la tique n’éprouve aucune difficulté à se déplacer sur le corps de son hôte. Elle se met alors en quête d’un emplacement stratégique où elle pourra s’attacher avant le début des agapes; de préférence une zone riche en vaisseaux sanguins et dotée d’une peau relativement fine. Introduisant son rostre sous le derme du chien, l’arachnide commence à aspirer le sang des vaisseaux rompus. Alternativement, elle émet des sécrétions d’enzymes salivaires, qui empêchent la coagulation rendant ainsi la piqûre indolore, et donc sa présence indétectable. Ce repas pantagruélique durera plusieurs jours, la quantité de sang ingurgité pouvant atteindre le centuple de son poids à jeun. Repue, la tique se détache enfin de la peau avant de se laisser choir au sol. Comme tous les acariens, la métamorphose est complète, la tique passant par quatre stades distincts au cours de sa vie : l’oeuf, la larve, la nymphe et l’adulte. A chacune de ces étapes, elle changera d’hôte. Tout d’abord larve, elle se fixe sur un premier individu. Repas achevé, une fois à terre, elle mue pour devenir nymphe et se met en quête d’une nouvelle cible sur laquelle elle effectuera son second festin. Nouvelle chute, nouvelle mue. Devenue adulte, elle cherche un dernier hôte pour son troisième et ultime banquet. D’un point de vue général la taille de l’hôte choisi croît proportionnellement à chacun des stades de vie de la tique. Chaque repas offrant une « chance » de contacter de nouveaux germes, une tique adulte sera toujours plus porteur de bactéries qu’une larve ou une nymphe.
Ces satanés arachnides véhiculent en effet nombre de bactéries, qui ne sont pas sans conséquences majeures sur la santé de votre fidèle compagnon. Chacune des trois espèces présentes en France,
transmettant des maladies bien spécifiques. Que faire alors pour protéger nos auxiliaires, qui au long des promenades printanières ou des billebaudes automnales, se trouvent évidemment plus exposés qu’un chien d’appartement ? La prévention reste sans aucun doute la meilleure des solutions. Côté prophylaxie, l’arsenal vaccination se trouve malheureusement des plus réduits. Seule existe une injection pouvant limiter les risques de contamination à la piroplasmose. Nous insistons sur le terme « limiter », dans la mesure où il a été scientifiquement prouvé que ce vaccin ne pouvait prévenir à 100% le risque de maladie. Notons de plus qu’il s’agit d’une inoculation qui doit être renouvelée de manière annuelle, et que la première piqûre ne peut être effectuée avant l’âge de 6 mois. Reste néanmoins que, malgré la relative efficacité de ce vaccin (65 à 70%), il est préférable que votre animal soit partiellement protégé que pas du tout. Il est donc fortement conseillé par les praticiens vétérinaires, pour des chiens actifs et exposés tels que les nôtres. Solution complémentaire, ce sont les antiparasitaires dits externes. On dénombre aujourd’hui quatre grandes familles de produits présentant chacune des caractéristiques différentes. Tout d’abord, les colliers anti-tiques qui selon les produits ont une efficacité moyenne à assez bonne. Faits de caoutchouc et imprégnés d’une substance toxique à l’encontre des acariens, ils possèdent cependant une zone d’action relativement réduite autour du cou, tandis que la tique peut élire domicile entre les cuisses ou encore sur la queue. Autre inconvénient, les chiens actifs, tels nos auxiliaires cynégétiques, peuvent en broussaillant accrocher ce collier dans une branche et le perdre. Enfin, celui-ci s’avère souvent rapidement inactivé par l’eau. Force est de constater que ces colliers ne sont donc guère adaptés aux conditions dans lesquelles évoluent les chiens de chasse. Parmi les autres produits à l’efficience toute relative, les poudres qui sont un mélange de substance active et de talc. Inconvénient majeur, lors de l’application l’antiparasitaire pénètre rarement jusqu’à la peau, le talc glissant le long de la robe de l’animal. A la moindre averse, ou au premier fossé traversé, le produit est donc rapidement éliminé par l’eau, et ne garantit plus aucune protection. Dernière remarque, la substance peut s’avérer toxique en cas de léchage abusif. Parmi l’arsenal antiparasitaire, les pulvérisateurs et les pipettes, restent donc sans aucun doute les plus efficaces. Les sprays déposent sur le poil un film protecteur, qui intoxique les tiques par simple contact dans les minutes qui suivent leur arrivée sur le chien. Résistantes à l’eau, et active pendant plus d’un mois, ces solutions présentent l’avantage d’être aussi invisibles. En revanche, leur application reste parfois délicate sur les chiens à poil longs. Afin de faire pénétrer au mieux le produit, il est donc conseillé de brosser le chien à rebrousse poils pendant la pulvérisation. Les pipettes s’avèrent, quant à elles, tout aussi efficientes dans la durée, avec la facilité d’application en plus. Leur contenu est simplement déposé sur le dos du chien, et se répartit tout seul sur l’ensemble du corps. Petit bémol, la protection n’est pas immédiate, la diffusion complète nécessitant environ 24 heures. Nombre de laboratoires proposent désormais ces pipettes ou ces solutions à pulvériser, mais gare à certaines spécialités commerciales à l’efficacité plus ou moins douteuse… Afin de protéger au mieux votre compagnon, n’hésitez pas à vous munir d’un produit de qualité, votre praticien vétérinaire restant le meilleur conseiller et prescripteur qui soit. Cependant, l’utilisation de tels antiparasitaires, aussi efficaces soient-ils, ne doit aucunement se substituer à un examen attentif de votre chien dès le retour de la chasse. La toute première action consiste à coiffer votre animal à l’inverse du poil et à fouiller la fourrure avec un peigne à denture serrée et vos doigts. Si vous détectez la présence d’une tique, il est indispensable de l’enlever immédiatement. Il existe pour cela des crochets spéciaux, couramment appelés « tire-tiques », qui permettent de saisir la tique et de la faire tourner avant qu’elle ne se détache elle-même de la peau. Ainsi, l’acarien sera entièrement enlevé et le rostre ne restera pas planté dans le derme. Il faut en effet savoir qu’un arrachement brutal et partiel provoque l’émission d’un toxique favorisant une irritation sur le long terme et bien souvent l’apparition d’un kyste autour du rostre. Et si, malgré toutes ces précautions, vous constatez chez votre chien une fatigue anormale, une perte d’appétit, des urines sombres ou encore des gencives anémiées, un seul conseil : consultez au plus vite votre vétérinaire. La vie de votre ami canin peut en dépendre.
Ixodes ricinus : à l’attaque du genre humain
Force est de constater que les dérèglements climatiques, ainsi que certaines modifications éco-paysagères de nombreuses régions boisées de l’hémisphère nord, n’ont pas été sans influence sur la recrudescence des tiques, et plus particulièrement le genre Ixodes ricinus. De la même façon les populations d’espèces porteuses de borrelies pathogènes, telles sangliers et cervidés, sont elles aussi en forte augmentation, et véhiculent rapidement et parfois sur de grandes distances le dangereux acarien. Deux raisons qui semblent expliquer aujourd’hui l’émergence rapide de la maladie de Lyme chez l’homme. Outre les inconvénients de type dermatologique, notons que cette maladie peut présenter des manifestations articulaires (inflammation, arthrite), mais aussi cardiaques (syncope, palpitations), voire plus rarement neurologiques. Attention la piqûre de tique est sur le coup indolore, et l’on oublie de fait souvent ces discrètes bestioles. Pas toujours facile à diagnostiquer, la maladie de Lyme, se traite cependant assez bien à l’aide d’antibiotiques et de corticoïdes. Mieux vaut pourtant prévenir que guérir. Pour cela, lors de vos ballades en zone forestière, préférez des vêtements couvrant jambes et bras, plutôt que short et T-shirt. Sachez par ailleurs, que tout comme pour votre chien, il existe des antiparasitaires de type pulvérisateur, pour les bipèdes que nous sommes. Enfin, si piqûre il y a, utilisez de la même façon le crochet à l’origine destiné à votre compagnon.
Christophe AUBIN